En matière de conduite après usage de stupéfiants, la procédure pénale prévoit un droit fondamental pour le conducteur contrôlé : celui de demander une contre-expertise, notamment par prélèvement sanguin.
Ce droit à la contre-expertise, inscrit dans le Code de la route, est devenu en pratique beaucoup plus difficile à solliciter dans le cadre d’un contrôle routier.
Il n’en demeure pas moins que toute violation de ce droit constitue un vice de procédure entraînant la relaxe du conducteur, ce qu’à rappelé la Cour de Cassation dans un arrêt du 15 octobre 2024.
Contre-expertise stupéfiants : un droit essentiel mais difficile à exercer
Le droit à contre-analyse existe aussi bien en matière d’alcoolémie au volant que de stupéfiants. Mais dans les faits, son application est bien plus compliquée lorsqu’il s’agit de produits stupéfiants.
Avant le décret n° 2016-1152 du 24 août 2016, un conducteur dépisté positif aux stupéfiants faisait systématiquement l’objet d’un prélèvement sanguin à l’hôpital, réparti en deux flacons. Ce système permettait de réserver facilement la possibilité d’une seconde analyse une fois les résultats du premier flacon communiqués, souvent après avoir pris conseil auprès d’un avocat.
La révolution du tout-salivaire et ses effets sur les droits de la défense
Depuis 2016, les contrôles routiers sont majoritairement réalisés par prélèvement salivaire, à la fois pour le dépistage initial et la confirmation. Cette procédure, plus rapide et moins coûteuse pour les forces de l’ordre, a eu pour effet mécanique une explosion des condamnations pour conduite sous stupéfiants, qui dépassent désormais celles liées à l’alcool.
Mais cette méthode a un inconvénient majeur : le prélèvement salivaire est unique et détruit au moment de l’analyse en laboratoire. Contrairement à d’autres pays européens qui pratiquent un double prélèvement salivaire, la France ne prévoit aucune possibilité matérielle de contre-expertise sur la salive.
Le droit à contre-analyse : une option trop souvent éludée
En principe, les agents de police doivent informer le conducteur de la possibilité de demander un prélèvement sanguin pour préserver son droit à contre-expertise. Si le conducteur opte pour cette solution, il doit être conduit sans délai à l’hôpital.
Depuis le décret n° 2024-528 du 10 juin 2024, un infirmier ou une infirmière peut désormais effectuer ce prélèvement, sans qu’il soit nécessaire de mobiliser un médecin.
Des pressions dissuasives sur les conducteurs
Dans la pratique, les agents ne proposent que rarement cette option, voire dissuadent activement les conducteurs de demander une prise de sang. On évoque alors :
- une attente interminable aux urgences,
- un coût prétendument élevé de la contre-analyse (alors que les frais de justice s’élèvent de toute façon à 327 euros pour une condamnation),
- ou encore le regard négatif supposé du juge, ce qui est totalement faux : un magistrat ne sanctionnera jamais l’exercice d’un droit fondamental.
Il s’agit en réalité de considérations pratiques pour les agents, qui préfèrent ne pas perdre de temps en accompagnant un conducteur à l’hôpital.
Jurisprudence du 15 octobre 2024 : l’absence de contre-expertise entraîne la relaxe
Dans l’arrêt rendu le 15 octobre 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation a tranché : l’absence de prélèvement sanguin prive le conducteur de la possibilité d’une contre-expertise et constitue un vice de procédure.
Les faits de l’affaire :
- Un conducteur avait été soumis à un dépistage salivaire positif au cannabis, confirmé par une analyse en laboratoire.
- Le tribunal correctionnel l’avait condamné à six mois de suspension du permis de conduire.
- En appel, le conducteur soulève l’exception de nullité pour non-respect de son droit à la contre-analyse.
La décision de la Cour de cassation :
La Cour casse l’arrêt de la cour d’appel au motif que le prévenu avait exprimé sa volonté de se réserver la possibilité d’une contre-expertise, mais n’avait pas bénéficié d’un prélèvement sanguin. Les juges estiment que l’irrégularité de la procédure compromet irréversiblement ses droits de défense.
« L’absence de prélèvement sanguin faisait obstacle à la réalisation d’une telle mesure, de telle sorte que ses droits ont été irrémédiablement compromis. » (Cass. crim., 15 oct. 2024)
Conclusion : un levier de défense puissant en cas de contrôle positif
Cet arrêt souligne à quel point le respect scrupuleux de la procédure est fondamental en droit pénal routier. Le non-respect du droit à la contre-expertise, même s’il peut sembler un détail aux yeux des agents, peut avoir des conséquences majeures sur la validité de la procédure.
Notre cabinet d’avocats en droit routier accompagne quotidiennement des conducteurs poursuivis pour conduite sous l’emprise de stupéfiants, qu’il s’agisse d’une première infraction ou d’une récidive.
Nous intervenons à chaque étape de la procédure, que ce soit :
- pour contester une suspension de permis de conduire,
- pour assurer votre défense devant le tribunal correctionnel,
- ou pour soulever d’éventuels vices de procédure (notamment en lien avec le droit à la contre-expertise).
Ne restez pas seul face à une procédure complexe et à fort enjeu. Une analyse juridique rigoureuse de votre dossier peut permettre de faire annuler une procédure irrégulière ou d’obtenir une relaxe.
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