La mesure de garde à vue est une « mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs ». (article 62-2 du code de procédure pénale)

Il s’agit donc d’une mesure de privation de liberté qui se trouve, en tant que telle, fortement encadrée par la Loi en raison du risque important d’atteinte aux libertés individuelles.

La garde à vue est donc un terrain propice pour les irrégularités de procédure, et le vice de procédure affectant la garde à vue a donc vocation à affecter l’ensemble (sous certaines conditions) des investigations accomplies dans le cadre des poursuites pour toutes les infractions routières.

La matière, très vivante, a fait l’objet d’une réforme importante par la loi n°2011-392 du 14 avril 2011, adoptée afin de mettre en conformité le droit français avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales après plusieurs condamnations de la France par la Cour européenne.

Les principales mesures adoptées concernent la présence de l’avocat tout au long de la garde à vue ainsi que la notification des droits à la personne mise en cause.

Le nouvel article 63-1 du code de procédure pénale prévoit ainsi:

« La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits :

1° De son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l’objet ;
2° De la nature et de la date présumée de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ;
3° Du fait qu’elle bénéficie :
-du droit de faire prévenir un proche et son employeur, conformément à larticle 63-2 ;
-du droit d’être examinée par un médecin, conformément à larticle 63-3 ;
-du droit d’être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ;
du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ».

La notification, avant le début de la garde à vue, de la possibilité de se taire c’est à dire de ne pas contribuer à sa propre incrimination, qui est un droit fondamental, est une des avancées majeures de la Loi du 14 avril 2011.

Surtout, l’article 63-4-2 du code de procédure pénale, dans sa nouvelle rédaction, organise la présence de l’avocat au cours de la garde à vue, alors que sa présence se trouvait limitée à un entretien de 30 minutes avant la réforme:

« La personne gardée à vue peut demander que l’avocat assiste à ses auditions et confrontations. Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d’identité, ne peut débuter sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office avant l’expiration d’un délai de deux heures suivant l’avis adressé dans les conditions prévues à l’article 63-3-1 de la demande formulée par la personne gardée à vue d’être assistée par un avocat. Au cours des auditions ou confrontations, l’avocat peut prendre des notes ».

Désormais, la personne mise en cause peut se faire assister par un avocat lors des interrogatoires de garde à vue, lequel peut contrôler le bon déroulement des opérations et orienter son client sur ses déclarations.

Les principaux vices de procédure rencontrés affectent la présence de l’avocat lors de la garde à vue, et concernent l’heure de la notification des droits au gardé à vue..

La Cour de cassation, dans quatre arrêts de l’Assemblée Plénière en date du 15 avril 2011 a prononcé la nullité de mesures de garde à vue décidées avant la promulgation de la Loi du 14 avril 2011, dans des affaires où les mis en cause n’avaient pas pu bénéficier de la présence d’un avocat dès le début de la mesure ni pendant les interrogatoires.

La Cour de cassation a ainsi fait une application immédiate des nouvelles règles posées par la Loi du 14 avril 2011, en appliquant le droit européen, n’hésitant pas à annuler des procédures antérieures à la réforme de la procédure pénale française.

Ainsi, toutes les procédures de garde à vue lors desquelles le mis en cause ne s’est pas vu notifier la possibilité de se taire ou la possibilité de se faire assister par un avocat pendant les interrogatoires doivent être annulées, même si les faits sont anciens.

Par ailleurs, une irrégularité de procédure peut être constatée dans le cas où l’heure de la notification des droits du gardé à vue n’est pas compatible avec le taux d’alcoolémie mesuré.

Spécifique aux procédures de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, ce vice de procédure concerne l’hypothèse où le policier a immédiatement notifié les droits afférents au placement en garde à vue prévus par l’article 63-1 du code de procédure pénale, alors même que le taux d’alcoolémie mesuré, empêchant le gardé à vue de comprendre la portée de ces droits, aurait dû le conduire à reporter cette notification jusqu’à complet dégrisement.

C’est ce qu’a décidé, par exemple, la Cour de cassation dans un arrêt de la Chambre criminelle du 29 février 2000  :

« Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Miguel X… a été interpellé, le 15 février 1998, à 2 heures 10, à proximité d’un véhicule accidenté ; qu’il a été conduit au commissariat de police, où il a été placé en garde à vue à 2 heures 15 par l’officier de police judiciaire, qui l’a immédiatement informé, en application de l’article 63-1 du Code de procédure pénale, des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 dudit code ; qu’à 2 heures 30, il a été soumis à l’épreuve de l’éthylomètre, dont le résultat a été de 1, 34 milligramme d’alcool par litre d’air expiré ; qu’il a été entendu sur les faits de 10 heures à 11 heures ;

Qu’il a été cité, dans les formes de l’article 390-1 du Code de procédure pénale, devant le tribunal correctionnel, sous la prévention des délits de vol aggravé et de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, et des contraventions de conduite sans permis et de défaut de maîtrise ;

Attendu que, faisant droit à l’exception de nullité régulièrement soulevée par le prévenu, le premier juge a prononcé l’annulation de la totalité de la procédure, et l’a renvoyé des fins de la poursuite, au motif que lorsque ses droits de personne gardée à vue lui avaient été notifiés, il présentait un taux d’alcoolémie tel qu’il n’était pas en mesure de comprendre la notification qui lui était faite ;

Attendu que, pour infirmer partiellement, sur l’appel du ministère public, cette décision, et pour limiter l’annulation à l’audition de Miguel X…, avant de déclarer celui-ci coupable des seuls faits de vol aggravé, de conduite sous l’empire d’un état alcoolique et de défaut de maîtrise, les juges du second degré se prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en cet état, la cour d’appel, qui a déduit de ses constatations qu’il n’y avait pas lieu d’étendre l’annulation à d’autres actes de la procédure, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme;

REJETTE le pourvoi »

Une observation importante peut être faite concernant la jurisprudence précitée: l’annulation de la garde à vue n’a en principe pas vocation à entraîner l’annulation de la procédure en son entier, mais atteint uniquement les investigations réalisées pendant cette mesure de garde à vue.

Par conséquent, en général seules les auditions effectuées pendant la garde à vue font l’objet d’une annulation, les constatations réalisées antérieurement au placement en garde à vue conservant leur régularité.

Une mise en parallèle doit être faite entre la notification du taux d’alcoolémie, laquelle doit être en principe immédiate en application de l’article R 234-4 2° du code de la route, et la notification des droits devant bénéficier au gardé à vue.

Lorsque le taux d’alcoolémie est important, le nécessaire report de la notification des droits du gardé à vue doit-il également s’accompagner d’un report de la notification du taux d’alcoolémie?

A notre sens, il faut répondre à cette question par la négative: le taux d’alcoolémie doit être notifié immédiatement au mis en cause, quelle que soit l’importance du taux et l’article R234-4 2° doit être appliqué strictement.

C’est ce qu’a d’ailleurs répondu la Cour de cassation dans un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 3 mai 2001 :

« Attendu que, pour rejeter l’exception de nullité tirée de ce que la notification des droits ouverts à la personne gardée à vue est intervenue 6 heures après le début de cette mesure, en violation de l’article 63-1 du Code de procédure pénale, l’arrêt attaqué énonce que, lors de son interpellation, Pascal X… se trouvait dans un état d’imprégnation alcoolique l’empêchant de comprendre la portée des droits qui auraient pu lui être notifiés et de les exercer utilement ;

Attendu qu’en cet état, la cour d’appel a justifié sa décision dès lors, d’une part, qu’elle a constaté l’existence d’une circonstance insurmontable qui a retardé la notification des droits, laquelle ne doit intervenir qu’à partir du moment où la personne gardée à vue est en mesure d’en comprendre la portée et, d’autre part, que, pour les raisons tenant à l’efficacité de l ‘analyse de contrôle du taux d’alcoolémie, la notification de ce dernier ne peut, aux termes de l’article R. 297 du Code de la route, être différée ».

Ainsi, la Cour de cassation valide le raisonnement selon lequel les droits afférents à la garde à vue doivent être retardés jusqu’à ce que le mis en cause ait récupéré toutes ses facultés intellectuelles, tandis que la notification du taux d’alcoolémie ne peut souffrir aucun retard puisqu’il s’agit d’une condition de l’efficacité de l’analyse de contrôle du taux d’alcoolémie ».

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